Ce qui est très pertinent.
Melanocoryphus est un ancien genre, dans lequel ont longtemps été rangées certaines espèces morphologiquement proches, aujourd'hui placées dans des genres différents. Pour les espèces européennes, ce sont les minis
Horvathiolus qui ont quitté définitivement le genre. Les punaises américaines anciennement désignées ainsi ont été déplacées dans
Melacoryphus (sans "NA"), qui a lui-même été éclaté en plusieurs, dont
Neacoryphus, lui-même éclaté, etc.
Cosmopleurus a longtemps été morphologiquement rapproché de
Melanocoryphus. En fait, ce sont des genres plutôt
basaux dans la classification des
Lygaeinae : les premiers ancêtres de la famille devaient pas mal leur ressembler, et ceux-là ont certainement dû évoluer sur pas mal de choses, mais pas tellement sur l'apparence externe. Ils n'ont pas "acquis" une ressemblance au cours d'une évolution commune, ils "continuent" à beaucoup se ressembler malgré une évolution divergente plus ou moins longue. C'est ce que l'on appelle une synplésiomorphie...
Une des explications est que beaucoup d'espèces de
Lygaeinae sont toxiques. Cela leur fournit une défense contre les prédateurs, mais à condition que les prédateurs soient au courant. Du coup, elles exhibent (elles ne sont pas les seules) un patron de coloration très contrasté, à valeur d'avertissement : c'est ce que l'on appelle l'aposématisme.
C'est ce qui fait que les
Lygaeinae et d'autres punaises non étroitement apparentées, mais également toxiques, comme les
Pyrrhocoridae, par exemple, exhibent des colorations similaires et qu'on peut les confondre au premier coup d’œil.
Mieux encore, il existe une forme de mimétisme appelé mimétisme mullérien, dans lequel deux espèces non nécessairement apparentées, mais toutes deux toxiques, bénéficient de leur ressemblance mutuelle : les individus, d'une espèce ou d'une autre, les plus différents du motif initial, ont tendance à disparaître, et les deux (ou plus) espèces ont tendance à beaucoup se ressembler. C'est assez fréquent dans les groupes d'insectes toxiques (chez les papillons, cas bien connu du Monarque et du Vice-Roi...), et c'est notamment le cas chez pas mal de
Lygaeinae, qui auront tendance à plus ressembler à leur voisin qu'à leur cousin...
On connaît pas mal d'espèces polymorphes, qui ont développé des formes différentes selon les régions et les voisins rencontrés : en Amérique du Nord, par exemple, les
Lygaeus kalmii orientales ressemblent plus aux
Lygaeus turcicus (elles n'ont pas de taches blanches) dont elles partagent le milieu, qu'à leurs cousines
Lygaeus kalmii de l'ouest... Et ce ne sont pas les exemples qui manquent...
Pour les reconnaître, il faut bien souvent les observer dans le détail, et faire abstraction du patron de coloration, pour s'attacher à l'anatomie (qui nécessite souvent un examen de la face ventrale...)
Pour ce qui est de l'étymologie, la plupart des genres actuels de
Lygaeinae ont été érigés par Stål, en tant que sous-genres de
Lygaeus, et ont été élevés au rang de genre plus tard. Stål n'a jamais fourni l'étymologie des noms proposés, et ces descriptions (très nombreuses, son œuvre principale s'intitule
Enumeratio Hemipterorum, c'est dire !) sont assez peu détaillées.
Beaucoup de noms de genres de
Lygaeinae se finissent en "
-stethus" (comme
Graptostethus,
Spilostethus,
Stalagmostethus...), "poitrine", ou "
-thorax" (comme
Tropidothorax), et, de fait, bon nombres de genres sont caractérisés par l'anatomie du
thorax. On devine que c'est la raison pour laquelle il a employé ce terme, mais il ne le dit pas.
Pour
Melanocoryphus, je ne m'y étais jamais penché, mais je pense que tu as la bonne explication.
Surtout si l'on sait que, pour Stål,
Melanocoryphus rassemblait
albomaculatus, et les espèces placées plus tard par Josifov dans le genre
Horvathiolus, et dont le principal critère distinctif était le fait que la tête était
entièrement noire...
Bon, pour la petite histoire, c'est bien plus tard que Slater, en Afrique, a trouvé des
Melanocoryphus qui semblaient bien plutôt à placer dans
Horvathiolus... et qui avaient la tête en partie rouge (comme
amoenulus...)
Les deux chercheurs semblent avoir beaucoup échangé sur ce point, et Slater fait mention d'intenses correspondances, qui ne semblent pas avoir donné lieu à des publications. Le genre
Horvathiolus est en train d'être révisé...
(et pour continuer l'histoire jusqu'au bout, il est très possible que soit prochainement décrites des espèces d'
Horvathiolus à tête rouge, sans une trace de noir... donc ce jour là, pour retrouver l'étymologie...

)
Melanocoryphus albomaculatus (Goeze, 1778)