En voilà une bestiole troublante, peut être s’agit-il d’
Iris oratoria (5 cm est la taille maximale que peut atteindre l’espèce). Sur la première photo il semble que l’on puisse distinguer deux tubercules sur l’
écusson frontal, caractéristique du genre (bien que la forme de la tête évoque plutôt
Mantis). Si tu as une photo plus nette des fémurs antérieurs on pourrait trancher.
Iris possède 5 épines externes contre 4 pour
Mantis. Sur ta première photo c’est difficile à voir, les ravisseuses sont un peu floues et les épines des deux fémurs antérieurs se confondent. S’il s’agit effectivement d’
Iris oratoria, sa présence en Alsace ne pourrait s’expliquer que de deux façons : un spécimen échappé d’élevage, ou une introduction humaine (volontaire ou involontaire). Elle peut avoir voyagé clandestinement dans un véhicule ou par d’autres moyens. Par exemple, une population de
Mantis religiosa a été récemment introduite à Berlin à la suite de l’importation de pierres venant d’Europe du Sud (sur lesquelles devaient être fixés quelques oothèques), pour la rénovation des talus d’une voie ferrée. Cette localisation est bien plus nordique que celle des stations historiques pour l’Allemagne.
En ce qui concerne les yeux de ton spécimen, j’ai d’abord pensé que la mante fut photographiée à la tombée du jour. Lorsque la nuit tombe, toutes les mantes ont les yeux de cette couleur. Mais là à 9h du matin c’est étrange (le ciel était-il très sombre à cette heure là ?).
Pour rappel, l’œil des mantes est composé de nombreuses unités de formes tubulaires appelées
ommatidies qui sont en quelques sortes des yeux simples (il y en a plus de 10000 chez les mantes). A la
base de ces tubes se trouve le rhabdome, une structure absorbant la lumière. Durant la journée, les
ommatidies sont optiquement isolées les unes des autres par des cellules pigmentaires localisées dans les parois séparant chaque
ommatidie. De sorte que chaque
ommatidie reçoit des faisceaux de lumière et est stimulé individuellement. Cela rend l’œil moins sensible à la lumière (puisque l’insecte est alors en plein jour), mais garantit une résolution visuelle élevé. Lorsque les faisceaux lumineux pénètrent obliquement dans l’
ommatidie, les cellules pigmentaires renvoient une partie de la lumière. Mais si elle frappe une ou plusieurs
ommatidies du dessus, toute la lumière est absorbée et ces
ommatidies nous apparaissent noires donnant l’illusion d’une pseudopupille. A chaque fois que l’on déplace notre regard sur une région différente des yeux d’une mante, on voit le fond d’un ensemble différent d’
ommatidies, donnant l’illusion que la mante nous suit du regard.
Pendant la nuit en revanche, il est plus important d’être sensibles aux quelques lumières nocturnes (clair de lune, etc.) que d’avoir une bonne acuité visuelle. Donc les mantes (comme beaucoup d’autres insectes) sont en mesure de rétracter les pigments des parois de chaque
ommatidies. Ainsi un faisceau lumineux arrivant avec un angle oblique ne stimule plus une seule
ommatidie mais plusieurs simultanément par l’intermédiaire des parois devenues transparentes. Les yeux des mantes nous apparaissent alors sombres ou noirs car l’on voit ainsi le fond de quasiment toutes les
ommatidies. La vision de la mante perd alors en résolution mais elle voit quand même assez bien la nuit.
Pour cette mante c’est vraiment étrange que ces yeux restes sombres à 9 h du matin. Il existe une maladie mal connue qui peut rendre les yeux des mantes partiellement ou totalement noirs mais l’aspect est différent comme
ici. Peut être qu’une anomalie génétique ou une autre maladie empêche la migration pigmentaire chez ce spécimen.