[Sphiximorpha subsessilis] Un syrphe aux allures de guêpe

Les syrphes et autres mouches vous attendent...

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Oryctes
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[Sphiximorpha subsessilis] Un syrphe aux allures de guêpe

Message par Oryctes »

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Oryctes : France : Lille : 59800 : 11/05/2025
Altitude : 40 m - Taille : 12-13 mm
Réf. : 358666

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Oryctes : France : Lille : 59800 : 11/05/2025
Altitude : NR - Taille : 12-13 mm
Réf. : 358667

Bonjour,

Ce syrphe, que je n'avais jamais vu, m'a particulièrement intéressé, c'est pourquoi je développe un peu...

Ce jour-là, dans le petit parc urbain de mon quartier où je me rends souvent (il s'y trouve une partie pelouse et jeux d'enfants, très fréquentée, mais aussi quelques recoins pour passionnés d'insectes, notamment un mini bois de feuillus peuplé d'érables, chênes, quelques pruniers, beaucoup de marronniers... et aussi pas mal de houx), je n'avais trouvé aucun insecte intéressant, je pourrais presque dire : pas d'insectes du tout (j'ouvre une parenthèse pour dire que cette année - il fait pourtant beau dans le Nord en ce moment - je rencontre encore moins d'insectes que les années précédentes, j'espère que vous en voyez davantage dans les départements plus au sud).

Je m'étais assis à l'ombre, dans un lieu très retiré du parc, pour digérer ma déconvenue. C'est alors qu'assis sur cette grume de marronnier, un vieux tronc oublié au sol à l'écorce en piteux état, j'ai remarqué, à l'extrémité du tronc, au niveau de la coupe, un insecte jaune et noir que j'ai pris pour un hyménoptère, une jolie guêpe se déplaçant rapidement sur la surface de coupe.

Je me suis approché pour suivre le manège de l'insecte qui volait au ras de la surface du bois, s'y plaquant voire s'y heurtant de temps en temps, puis qui s'en éloignait une ou deux minutes avant d''y revenir pour s'y comporter de la même façon.
Vraiment une allure de guêpe : morphologie, couleurs, bien sûr, mais aussi allure en vol (mouvements rapides de droite et de gauche : je trouve que les syrphes, généralement, se déplacent d'une manière plus "franche", plus "droit au but" en dehors de leurs périodes de vol stationnaire, les hyménoptères paraissant osciller ou zigzaguer tout en volant) et je m'attendais à tout moment à ce que cette guêpe s'engouffre dans une fissure ou une cavité du bois. Mais il n'en a rien été, l'insecte a fini par se poser sur une feuille d'un surgeon de marronnier au pied du tronc.
C'est là que j'ai pu enfin le détailler, découvrir ses étonnantes antennes et enfin réaliser que j'avais affaire, non pas à un hyménoptère mais à un syrphe, un très beau syrphe mimétique. Comme il se détachait mieux sur le vert que sur l'ocre du bois, c'est là aussi que j'ai pu le photographier...
Je mets une photo du lieu précis, de cette coupe de tronc de marronnier où j'ai vu évoluer l'insecte :

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Oryctes : France : Lille : 59800 : 11/05/2025
Altitude : NR - Taille : Non mesuré
Réf. : 358669

Plaisir, ensuite, de chercher dans la galerie le genre et l'espèce du bel animal... Pas trop difficile avec cet habitus si particulier : Sphiximorpha pour le genre et Sphiximorpha subsessilis pour l'espèce. Pour en savoir plus sur ce syrphe je me suis aidé de la galerie, notamment ce sujet où Thomas Lebard intervient (message 11 en deuxième page) et aussi cette page de l'INPN rédigée par un certain Lebard Thomas (!)...

L'attention se porte sur l'aspect des antennes pour établir le genre (apophyse réduite, antennes bien distinctes dès l'origine ici, contrairement au genre Ceriana où l'apohyse est longue avec un aspect d'antennes "soudées" à l'origine). Quant à définir l'espèce, il n'y a que l'espèce S. garibaldii à éliminer (en France) mais au vu des cartes de distribution (à nouveau, merci Thomas !) il est très peu probable de la rencontrer dans le Nord et, de toute façon, la face de S. garibaldii est différente avec des dessins noirs très élaborés alors qu'ici il s'agit d'une simple bande très noire sans fioritures.

Je ne pense vraiment pas me tromper sur l'identité de ce syrphe, je n'ai qu'une seule véritable question et elle concerne le sexe de l'insecte. Je n'ai pas trouvé d'indications à ce sujet (et je ne dispose pas de clés telles que Van Veen ou Verlinden). Si le sexe se lit, comme la plupart du temps pour les syrphes, sur l'écartement des yeux, celui-ci est un mâle et alors je n'ai vu que des mâles dans la galerie ou ailleurs, ce qui est étonnant. Sont-ce bien, pour cette espèce, les yeux jointifs ou disjoints qui permettent de désigner le sexe ou faut-il s'intéresser à un autre critère ?

J'ai aussi une petite question timide et éventuelle sur l'étymologie du nom, surtout sur le "Sphixi". Serait-ce la même racine que "sphinx" et une allusion au côté énigmatique de l'animal ou au fait qu'il serait une sorte de chimère diptère-hyménoptère (si quelqu'un a une idée) ?

Merci pour vos avis et toutes mes excuses pour la longueur du texte !

Dominique

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Dufour
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Un syrphe aux allures de guêpe

Message par Dufour »

Bonjour,
pour répondre à la question du sexe : un mâle, aux yeux jointifs
Ce site donne une ph pour chaque sexe :
https://obs37.fr/observatoire/index.php ... e&id=23951
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latique
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Un syrphe aux allures de guêpe

Message par latique »

Bonjour,

D'accord avec Sphiximorpha subsessilis ♂.
Pour le sexe tu peux toujours faire une recherche avancée croisée pour voir à quoi ressemble les ♀ : https://www.galerie-insecte.org/galerie ... on=Envoyer
Ici les yeux coalescents fonctionnent pour monsieur.
Pour l'étymologie, je passe.
Eugène
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Oryctes
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Un syrphe aux allures de guêpe

Message par Oryctes »

Merci, Dufour et Eugène, pour vos réponses et les liens. Je pratique souvent la recherche avancée mais je viens seulement de voir comment fonctionnait la recherche avancée croisée et c'est bien intéressant, je l'utiliserai dorénavant. Pour les femelles proposées, c'est un peu trop flou selon moi sur le lien de Dufour. Sur LMDI par la recherche croisée, c'est clair pour la femelle de l'autre espèce (Sphiximorpha garibaldii). Pour les deux autres (de l'espèce S. subsessilis) je vois un peu pour la première mais, honnêtement, pour la seconde, je n'aurais pas su la différencier, j'aurais vu les yeux coalescents (c'est déjà ce que je m'étais dit en découvrant ce sujet, que j'ai mis en lien pour les explications de Thomas).
En ce qui concerne l'étymologie, bien sûr le vocabulaire m'intéresse mais c'est surtout que je retiens mieux les noms scientifiques (pas toujours évidents surtout avec la mémoire qui diminue) quand je comprends le sens des racines grecques ou latines qui les composent.
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inachis ax
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Un syrphe aux allures de guêpe

Message par inachis ax »

Pour l'étymologie, j'ai pas de certitude absolue, mais il est à mon avis beaucoup plus probable que Sphiximorpha veuille dire "qui a la forme d'un Sphex" (des guêpes qui ont l'abdomen pétiolé), même si je trouve perso que ça ressemble plus à certaines guêpes maçonnes (Vespidae Eumeninae). Quoique, pour certains, les Sphex au sens large regroupent aussi des choses comme les Crabronidae, donc on peut y trouver des bêtes qui ressemblent plus à ce syrphe.

Après, ce préfixe "Sphixi" est quand même bizarre, on aurait pu s'attendre à "Sphegi" ou "Spheci" à la place (le X est souvent transformé en G ou C dans les préfixes de noms latins). L'explication du nom pourrait être dans la description originale du genre (qui se trouve dans cette vieille publi). En l'occurrence, c'est en latin, donc je ne comprends pas bien, mais j'ai pas l'impression que l'auteur mentionne l'étymologie.
Le Paon du jour n'est dans aucune citation célèbre.
Axel :)
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Oryctes
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Un syrphe aux allures de guêpe

Message par Oryctes »

Je ne suis pas sûr que la réponse soit donnée dans cette "vieille publi" mais je pense que ton idée est la bonne concernant le nom scientifique de ce syrphe : "qui a la forme d'un Sphex" ça me paraît tout à fait cohérent (bien plus que mes hypothèses un rien chimériques), en tout cas c'est la solution que je retiendrai. Merci Axel pour l'aide.
Thomas Lebard
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Un syrphe aux allures de guêpe

Message par Thomas Lebard »

L'étymologie donnée par Axel est la bonne mais a un détail près.
Sphex ce n'est pas juste un Sphex (de la famille des Sphecidae) c'est aussi le mot grec pour désigner une guêpe au sens large... Du coup ça colle mieux! Par contre il est très juste de dire que ça n'aurait pas du s'appeler Sphixi mais plutôt Spheci/Sphegi.

Les mâles sont souvent bien plus visibles que les femelles car ils attendent sur les habitats de reproduction que celles-ci viennent pondre pour s'accoupler, les femelles plus discrètes font leur vie (souvent dans la canopée) pendant ce temps là et sont donc plus dure à observer.
La photo que tu montres avec les rejets de marronnier me laisse penser que le mâle doit le considérer comme un habitat potentiel et y monte la garde en attendant les femelles. La souche est encore vivante et sans doute pas parfaitement cicatrisée à la base des rejets. Si tu y retournes il y a de grandes chances que tu le revoies, ils ne sont vraiment pas farouches et misent tout sur leur déguisement! Sympa comme obs, ça fait un peu partie des syrphes mythiques!

Et très flatté que mes différents posts et articles aient pu t'être utiles, merci de ton retour!
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Oryctes
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[Sphiximorpha subsessilis] Un syrphe aux allures de guêpe

Message par Oryctes »

J'y suis retourné le lendemain (avant-hier) et, comme tu l'annonces, j'ai revu l'espèce exactement au même endroit. J'ai vu plusieurs individus cette fois, au moins trois, s'adonnant au rituel décrit plus haut et que tu confirmes et expliques dans ta description. J'étais beaucoup plus à l'aise pour les observer, déjà parce que je ne me suis plus laissé abuser par leur "déguisement". A vrai dire j'espérais rencontrer une femelle et j'y ai cru quand, ayant suivi un individu jusqu'à une feuille extérieure au tronc sur laquelle il est resté un bon moment en ayant des mouvements de haut en bas et de bas en haut de l'abdomen sur la feuille : j'ai pensé à une ponte mais non, les yeux de l'insecte étaient bien jointifs et je ne suis pas certain que les femelles choisissent de pondre dans les feuilles, qui plus est un peu à distance du lieu de rencontre... Je n'ai donc vu que des mâles ce jour-là aussi. Des mâles pas du tout farouches puisque, par deux fois, ils sont venus se poser sur mes vêtements, sans aucune crainte apparente. Une familiarité que j'ai bien appréciée :)
Si les femelles se tiennent dans la canopée je ne risque pas d'en voir, à moins que j'aie la chance, un jour, d'assister à un accouplement. Et pourquoi pas, maintenant que je connais parfaitement le lieu où l'espèce évolue...
J'ai lu, apprécié et cité ton travail parce que c'est ce que j'ai trouvé de plus précis concernant cette belle espèce. Merci pour ton commentaire et les dernières précisions (y compris sur l'étymologie : je sais tout désormais sur ce nom scientifique qui, au premier abord, semble un peu barbare).
Thomas Lebard
Membre confirmé
Enregistré le : jeudi 6 avril 2006, 10:16
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[Sphiximorpha subsessilis] Un syrphe aux allures de guêpe

Message par Thomas Lebard »

Ah! C'est chouette d'y être retourné. Les femelles seront probablement plus présentes l'après midi à partir de 12h (les mâles aussi d'ailleurs). En effet, si tu les vois pondre ça sera directement dans la blessure et sans doute pas ailleurs. Le mouvement de l'abdomen que tu décris est classique également, je pense que ça contribue du mimétisme général de l'insecte.
J'avais rencontré cette espèce sur les peupliers, les chênes pubescents et les chênes lièges mais jamais sur marronnier (d'un autre coté ce n'est pas un arbre bien commun par chez moi), en lisant la biblio, une observation avait déjà été reportée dans un marronnier en Allemagne (Schmid, 1993).
Il y a quelques jours, lors de mon dernier passage dans une forêt de chêne liège j'ai pu observer six mâles sur des coulées de sèves mais je n'ai vu qu'une seule femelle de toute la journée, venue pondre avec un mâle qui lui tournait autour mais elle s'en allait à chaque fois qu'il approchait puis revenait pondre quelques secondes plus tard, le manège à duré quelques minutes puis elle est partie. Les mâles sont restés tout le reste de l'après midi sur ces habitats.
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Oryctes
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Message par Oryctes »

Ces conseils sur l'heure la plus favorable à l'observation sont bien utiles : j'avais remarqué, à propos d'un autre genre de syrphe (Brachyopa) rencontré récemment en un autre endroit de ce parc lillois, d'une part que les individus (des mâles aussi) revenaient à la même place, sur la même partie de l'arbre, à condition que celui-ci soit exposé au soleil et qu'ils n'étaient présents que dans une tranche horaire assez précise de l'après-midi. Pour Sphiximorpha subsessilis, comme tu l'indiques, cela semble être à peu près la même chose, l'heure d'observation et la luminosité des lieux ayant beaucoup d'importance.
En ce qui concerne les femelles de l'espèce, à te lire il me faudra quand même une bonne part de chance pour tomber sur une femelle. Il y a certainement une "coulée de sève" quelque part sur la surface de bois que j'ai prise en photo mais elle est peu visible. Je pense qu'elle se situe au bas de cette surface, presque au ras du sol, en partie dissimulée derrière un rejet de marronnier et une épaisse tige de fougère : pas facile pour la photo éventuelle (très sombre). A suivre...
Quant à ton observation, la forêt de chênes-lièges, je suppose qu'elle se trouve dans ton département des Alpes-Maritimes ?

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