Les espèces qui régressent dans l'ombre

Les papillons vous intriguent ?

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lépi-net
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Enregistré le : mercredi 20 décembre 2006, 22:20
Localisation : Yvelines

[question] Les espèces qui régressent dans l'ombre

Message par lépi-net »

Bonjour,

En fait je voulais juste faire le premier message de 2007...

J'en profite pour lancer une question à la cantonnade.
Y a-t-il des espèces qui vous semblent avoir très fortement régressé ces dernières années ?

Moi je pense à Lacanobia suasa, que je n'ai pas revue depuis 2001.

A vous (et bonne année)

Signé : Ironmoth (c'est une sorte de super-héros à la Batorfly)
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kristof
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Enregistré le : jeudi 16 septembre 2004, 19:17
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Message par kristof »

Bonjour à tous,je pense à l'espèce Aglais urticae"la petite tortue"j'en ai vu que deux en 2006!!! :(
D'année en année j'en apperçois de moins en moins dans ma contrée du morbihan
kristof.
Sergio 26
Membre confirmé
Enregistré le : jeudi 28 septembre 2006, 17:31
Localisation : Drôme

Message par Sergio 26 »

Vaste sujet et suivant les régions risque de fortement variés !!
ex. contrairement au post précedent A.urticae 13 exemplaires le même jour sur ma haie de troène en juin et je suis entouré de culture(vigne et arbres frutiers)
pour ma situation en nord Drôme :
N.antiopa de plus en plus rare depuis les années 80
Sergio
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Asterix
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Enregistré le : jeudi 16 novembre 2006, 17:57
Localisation : Saône-et Loire

Message par Asterix »

Comme Sergio, je trouve le sujet tres vaste.
-Pour essayer d'y répondre succinctement, je commencerai par les espèces dont j'ai une forte présomption d'extinction en Saône et Loire: P.ilicifolia, C.osiris, C.hero, C.tullia, E.festiva, E.luctifera... et la liste n'est pas exhausive.
-Pour la régression de ces dernières années, la, je pense que c'est la "cata" et je ne vais citer que les plus représentatives: H.lucina, P.hippothoe, les Maculinea en général, C.glycerion, C.briseis, N.statilinus, H.semele, F.adippe... et je n'ose commencer une liste d'hétérocères. (par exemple je n'ai pas vu D.fascelina depuis 1997 comme R.purpurata depuis 1999)
-Quelques espèces sont quand même en extention comme H.fagi ou M.phoebe, mais cela reste marginal.
Gabin "je sais qu'on ne sait jamais"
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lépi-net
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Enregistré le : mercredi 20 décembre 2006, 22:20
Localisation : Yvelines

Message par lépi-net »

Bon début...

Pour restreindre la question, est-ce qu'on ne peut pas s'intéresser aux espèces que l'on considérait comme communes voire banales disons en 1995, et qu'on ne voit presque plus ?

Pour revenir à A. urticae, en Ile-de-France, le cas s'est produit à partir de 1976 : l'espèce autrefois banale (plusieurs par jour) est devenue sporadique (un ou deux par an). Dans les années 1980-85, des nocturnes commel les Ennomos fuscantaria et erosaria, Antitype chi, Polymixis flavicincta, ont tout à coup cessé d'être observés. Avez-vous d'autres exemples de ce type dans les localités que vous suivez de façon continue ?

Philippe
Sergio 26
Membre confirmé
Enregistré le : jeudi 28 septembre 2006, 17:31
Localisation : Drôme

Message par Sergio 26 »

cela reste quand même subjectif ; je fais des recherches de biotopes trés poussé ce qui augmente les données et ceci depuis quelques années et donc fausse en positif la densité des populations ; je pense Philippe que tu comprends ou je veux en venir :?
par exemple les Zerynthia en trouvant de nouveau sites je me dis l'espéce est vraiment commune ce qui est peut-etre faut !!
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Fonterland
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Enregistré le : mardi 21 juin 2005, 22:17
Localisation : Tournon - Indre (36)

Message par Fonterland »

Bonsoir et bonne année à tous


Comme Kristof une seul obs d'Aglais urticae cette année à la maison :cry: . Aucune de Thecla betulae...
Denis
jpv
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Enregistré le : vendredi 3 décembre 2004, 23:33
Localisation : Vaucluse

Message par jpv »

A mon tour de m’y coller. Je constate en Nord Vaucluse, un effondrement total des populations de grosses Arctides, même Arctia caja si commune il y a 20 ans est devenue rarissime.
De la même façon, réduction drastique des Maculinea arion presque introuvables, réduction surtout cette année des Aglais urticae en train de prendre le chemin des morios et paons du jour disparus d'ici depuis plus de 10 ans mais qui restent abondants en montagne; à l'opposé, abondance de grandes tortues cette année alors qu'elles étaient devenues excessivement rares.

Il faut essayer de comprendre les causes de ces régressions et plusieurs observations peuvent nous y aider.

Par exemple, Euchloe tagis est lié à l'Iberis pinata qui est une messicole ou du moins une plante qui ne peut pousser que sur terrain nu et dont l'extension dépend pour une bonne partie des façons culturales. l'Ibéris peut être abondant en bordure des champs de céréales installés à proximité de bois (pas dans une plaine de monoculture) ou bien dans les champs de chênes truffiers jeunes et donc encore assez espacés entre eux pour que le soleil arrive largement au niveau du sol car son cycle végétatif se calque sur celui de la culture. Dans ces conditions le papillon peut être extrêmement abondant pourvu que les cultures se maintiennent suffisamment longtemps pour permettre à la population de bien s'installer. Dés que ces cultures sont abandonnées, le papillon disparaît. Il y a donc de trés grosses fluctuations de ses populations et les extensions rapides dés que le milieu redevient favorable, ne peuvent se produire que s'il reste à proximité une petite colonie survivant tant bien que mal sur les rares plantes qui trouvent refuge dans les biotopes marginaux ( bord des chemins, talus dénudés, décharge de gravats, etc.).

Pour les Vanesses (petite tortue, paon du jour, morio) qui sont des espèces « du froid » il n’est pas très surprenant que leur nombre chute dans le midi, trop chaud, trop sec. Il serait intéressant de voir ce qui se passe plus au nord où ces paramètres ne peuvent pas être mis en avant.

Pour les Satyridae, une autre cause de disparition peut être avancée, celle du changement progressif de la répartition des graminées et de leur composition chimique. On sait que les graminées ont une affinité élevée pour l’azote qui favorise grandement leur croissance (les engrais pour gazon sont 2 à 3 fois plus riches en azote que ceux employés pour les fleurs ou les légumes).
D’autre part les activités humaines produisent de grandes quantités d’oxydes d’azote (transports, agricultures, industrie) très volatils et qui sont transportés très loin de leur lieu d’émission pour retomber à la faveur d’une pluie par exemple. On estime qu’en France il tombe environ 32 kg d’oxyde d’azote par hectare et par an. Ces quantités sont largement suffisantes pour favoriser une flore plus nitrophile avec dans un premier temps croissance accélérée des graminées présentes puis remplacement progressif des moins exigeantes en azote par les plus gourmandes qui finissent par les supplanter.
Or pour un Satyridae, une graminée n’est pas égale à une autre graminée et l’optimum de croissance de la chenille ne s’obtiendra que sur un petit nombre d’entre elles. Les autres sont impropres à la consommation, soit qu’elles perturbent leur croissance, soit qu’elles les tuent carrément. Il est facile de se rendre compte de ce phénomène par l’élevage.
Pire encore, la « bonne » graminée pourra se révéler impropre à la nutrition parce qu elle aura accumulé un peu trop d’azote dans ses tissus. C’est le cas des graminées des pelouses maigres qui d’ailleurs abritent le plus d’espèces de Satyridae . Là aussi le phénomène est facile à vérifier par l’élevage.
Plus subtil encore, la taille de la graminée, c’est à dire la longueur des feuilles, a son importance. Beaucoup de satyridae « intéressants » (C. briseis, P. fidia, M. dryas, Erebias d’éboulis…) sont inféodés à des espèces a feuilles courtes. Si celle ci s’allongent plus que la normale, par apport d’azote, le comportement de la chenille est perturbé et la mortalité plus forte, avec, à terme, une réduction de l’effectif. Là aussi la vérification se fait en élevage aussi bien que sur le terrain.
A coté de ces espèces sensibles, il y en a d’autres, plus tolérantes à la concentration en azote et moins spécialisées dans leur choix de la plante, que les perturbations du milieu n’affectent pas : Maniolia jurtina, Melanargia galathea, Pyronia tithonus .

Chez les Parnassius apollo des stations de basses altitudes, c’est une autre cause qui peut être invoquée.
Le raccourcissement des hivers favorise des éclosion précoces des chenilles dont le cycle est avancé ce qui est objectivé par des captures de plus en plus tôt. Dans ces stations, l’Apollon n’est plus un papillon de Juillet, mais un papillon de Juin quand ce n’est pas de Mai. La ponte se produit donc plus précocement avec de graves conséquences. La chenille formée dans l’œuf qqs semaines après la ponte n’éclot pas de suite mais diapause pendant 3 mois environ à l’intérieur de l’œuf. Mais ce repos n’a qu’un temps et au delà, si la température est trop douce la chenille sort et, pour un faisceau de raisons trop longues à exposer ici, ne pouvant se nourrir, elle meurt.
C’est ce qui se passe pour les pontes de Juin qui donnent des éclosions dés le mois de septembre et qui se poursuivent tant que le froid de la nuit ne dissuade les chenilles d’attendre la fin de l’hiver. Ces éclosions prématurées peuvent être importantes et affecter plus du tiers des œufs avec la conséquence qu’on imagine sur la dynamique des populations.

Les Lycènes du genre Maculinea, par leur mœurs myrmécophiles, sont potentiellement plus vulnérables puisqu’aux facteurs édaphiques et climatiques, à la présence de leur plante nourricière, s’ajoute celui du maintien des colonies de fourmis qu’ils parasitent. Or celles ci sont également sensibles à de petites perturbations du milieu comme par exemple la modification de la densité de la couverture végétale : une végétation qui devient un peu trop haute les défavorise et leur effectif décroît d’autant plus rapidement que la charge en chenilles qui dévorent leur couvain reste forte au début.

L’alexanor est presque un contre exemple. j’ai été amené, à la demande de l’ONF, à m’interesser de plus prés au suivi des populations du Mont ventoux et je recopie ici, par flemme d’en réécrire un nouveau, un extrait de ce rapport :

« Le grand ami de l’Alexanor, c’est la DDE. Au moins dans un premier temps. Il n’est pas de routes aux bas cotés régulièrement décapés, ni de carrières en pleine exploitation, ni de lieux divers altérés par l’homme, qui ne lui soient favorables.
On l’aura compris, l’Alexanor est un papillon de milieu dégradé. Il suit en cela les préférences de sa plantes nourricières le Ptychotis saxifraga, littéralement « qui casse les pierres » ; ce qui en dit long sur les préférences écologiques de celle ci. Cette plante squelettique, bisannuelle stricte, ne vit en effet que dans les lieux régulièrement remués, et toute colonisation végétale, même faible, la fait disparaître irrémédiablement jusqu’au prochain bouleversement du sol.

A l’état naturel, les deux espèces, le papillon et sa plante hôte, sont étroitement liées aux pierriers mouvants de faible granulométrie et aux rivières dont les crues périodiques décapent des berges. L’extension des routes et des pistes de montagne leur a offert un nouveau milieu à coloniser, au point que l’essentiel des populations s’y concentre aujourd’hui.

Hors de ces lieux, pas de Ptychotis, donc pas d’Alexanor. La plante arrive, le papillon s’installe. Elle disparaît, victime des plantes voisines, le papillon cherche ailleurs meilleure fortune. Qu’un entomologiste l’observe et qu’il retourne quelques années plus tard au même endroit, il ne le trouvera plus et se perdra en vaines conjonctures sur cette disparition inexplicable : « pourtant, l’endroit n’a pas changé, les lavandes qu’il butinait sont toujours là et pareillement les chardons et les centaurées ». Mais la disparition d’une seule plante, la sienne, a suffit à l’éloigner du site.

Et c’est ainsi, tout naturellement, qu’est né le mythe de la rareté de l’Alexanor.

Il est à rapprocher de celui d’un papillon encore plus mythique, l’Hospiton (Papilio hospiton), endémique strict Corso-sarde, connu comme le loup blanc de tous les entomologistes du monde.
Si le décret de protection intégrale dont il jouit n’a en rien permis d’augmenter ses effectifs, les incendies qui ravagent périodiquement la Corse l’ont singulièrement favorisé. Certes, à chaque fois, au passage du feu, chenilles et chrysalides grillent irrémédiablement. Mais c’est en silence, au fond des zones épargnées,, que l’avenir se prépare : le petit effectif de chrysalides, préservé des flammes, sera l’année suivante, le départ prometteur d’une nouvelle colonie. Mais auparavant, sur la terre calcinée, les graines de Férule, libérées de la végétation environnante, germent aux premières pluies de septembre. Tout l’hiver leur ample feuillage se développe et dès le printemps le festin des chenilles est servi. »


A coté de ces disparitions ou raréfactions pour lesquelles ont entrevoit des explications il en est d’autres qui échappent à l’investigation. Pourquoi la grande tortue qui était devenue si rare ,voire absente, de toute ma région (alors qu’il y a 20 ans elle était partout, même dans les jardins urbains où l’on trouvait ses chenilles sur les cerisiers), se remet soudain à proliférer ?

Encore plus ténébreux, la disparition quasi totale en France de Polygonia egea, alors que dans beaucoup de ses biotopes les pariétaires qui les nourrissent sont toujours là. Quelles explications avancer pour cette extinction ?

Beaucoup de questions restent en suspend et il est probable que nous ne sommes qu’au début de ces changements et qu’il y a encore une somme d’observation colossale à faire si l’on veut arriver à protéger le moins inefficacement possible ce qui reste de biodiversité dans un lieu donné.



J’étais parti pour faire court et finalement je me suis laissé aller. C’est un peu long maintenant pour une simple réponse de post, et je ne suis pas sûr que tout le monde arrive au bout, aussi , je laisse le soin aux modos de saucissonner le texte s’ils le jugent nécessaire.
jpv
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Dom'
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Message par Dom' »

jpv a écrit :... je ne suis pas sûr que tout le monde arrive au bout...
Je ne suis pas du tout lépidoptériste, mais j'ai trouvé ton post particulièrement intéressant, et j'en aurais bien lu quelques pages de plus :D
Sergio 26
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Enregistré le : jeudi 28 septembre 2006, 17:31
Localisation : Drôme

Message par Sergio 26 »

alors là bravo JPV . Tu as effectivement bien resumé le sujet pour nos espèces provençales. Tout à fait d'accord avec toi mais moi je suis pas un as du clavier.
P. apollo disparition quasiment de toutes les stations de basses altitudes
moins de 700m dans le Diois et les Baronnies.P.alexanor pas revu depuis 10ans dans le Diois.
E.tagis effectivement commun dans les truffières en nord Drôme mais disparait si le site devient trop fermé .
N.polychloros devient trés commun depuis 2 années et ceci de partout
comme dans les années 70 .
Arctia caja devient très rare au contraire de A.villica.
L' homme a un rôle important dans la dynamique des populations mais les conditons climatiques ne sont pas négligeables aussi.
Sergio.

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