Re,
Il est finalement difficile de trancher quand on ne connaît pas de visu les constructions de l'une et l'autre espèce. Les descriptions ont leur limite. D'autant que je ne suis pas vraiment connaisseur de ce genre de bêtes !
Néanmoins, l’absence d’un cours d’eau proche et la structure finalement relativement "massive" de ces toiles semble un peu orienter les idées.
D’après ce que tu expliques (si j’ai bien compris) et en observant les photos même partielles de cet édifice, il semble bien qu’au centre de cet édifice de toiles, on observe ce qui peut être un ou plusieurs amas où s’accumulent des feuilles servant de refuge aux individus et que ce type de refuge se retrouve aussi en périphérie. Les toiles semblent reposer tels des tapis sur les rameaux et non pas former des toiles tendues entre les branches avec des manchons de
soie autour de celles-ci comme c’est le cas chez
A. republicana.
Au vu de tout cela, je penche donc finalement plus pour
A. consociata.
genievre a écrit :comment régulent-elles leur population? Elles sont certes nombreuses, mais pas des centaines par nid. Je n'ai pas vu de jeunes (ni de mâles s'ils sont plus petits). Cela signifie-t-il qu'il y a une fratrie par nid?
Il n’y a pas de fratries par nid.
Plus particulièrement, chez les araignées sociales, il n’y a pas de notion de « groupe » ou de reconnaissance intra-groupe, les castes et la hiérarchie n’existent pas contrairement aux insectes sociaux.
Chaque individu est en soi indépendant mais étroitement lié au groupe de par son mode de vie, tous les adultes sont donc féconds.
La coopération se borne à l’entretien de la toile et à la capture des proies, plus les proies sont grosses et se débattent, plus elles attirent de monde (c’est utile de vivre en groupe !). Jusque 20 à 40 araignées peuvent se nourrir simultanément sur la même proie et des cas de régurgitation ont été observés pour nourrir les
juvéniles (Riechert
et al 1985) !
Mais hormis cela, chacun est « libre ». En fait une subsocialité existe chez quasi toutes les espèces aux jeunes stades (voir par exemple les sorties de cocon d’Epeire). Dans le cas précis de tes
Agelena, la tolérance qui existe chez les jeunes après l'
émergence va se prolonger jusqu'à l'état adulte.
Ce phénomène est relativement rare sur les quelques 35-40000 espèces d’araignées connues puisqu’on ne recense qu’une vingtaine d'espèces d'araignées « sociales » à travers le monde mais toutes vivent en zones tropicales…
L’entretien collectif de la toile permet le maintien d’une retraite collective comme tu l’as noté (les « cavernes » comme tu dis) le reste étant essentiellement des nappes servant à la capture des proies (tes « plateformes »). L’ensemble est bien évidemment maintenu à la végétation par des accroches faisant penser à un échaffaudage.
Comme le signalent Darchen et Delage-Darchen (1986), un individu provenant d’une autre colonie s’intégrera sans difficultés dans une nouvelle colonie, en fait les groupes sont ouverts à de nouveaux arrivants (c’est d’ailleurs un gage de brassage génétique !). Les araignées reconnaissent les individus de leur espèce et cela s’arrête là (c’est donc totalement différent de ce qu’on observe chez les insectes qui vivent en colonie, tels de nombreux hyménoptères).
Krafft (1982) explique que la communication entre les individus est basée sur une communication chimique (classiques
phéromones) mais aussi et surtout basée sur les vibrations, une sorte de « langage » où les vibrations servent à transmettre une info codée, la synchronisation des mouvements étant fondamentale pour détecter une proie !
Fait intéressant, il semble que cette socialisation soit observable même chez des espèces solitaires. Dans nos contrées,
A. labyrinthica vit fréquemment en couple pendant la belle saison mais cela s’arrête là et hors période de reproduction, l'intolérance règne entre les individus. Cette intolérance disparaît chez les espèces subsociales et sociales.
Concernant la formation des nouvelles colonies, celle-ci peut débuter soit à partir d’une seule femelle, soit à partir d’un groupe d’immatures, soit à partir d’un groupe d’adultes et d’immatures.
Chez
A. consociata, le premier cas semble ne pas exister mais les 2 autres types de fondation de nouvelle colonie sont fréquents d’après Darchen et Delage-Darchen (1986). Néanmoins Riechert
et al (1985) mentionnent des colonies allant de 1 à plus de 1000 individus, le premier type de fondation semble donc bel et bien possible.
Pour ton impression de « vide », je te cite :
« Elles sont certes nombreuses, mais pas des centaines par nid »
est sans doute trompée par les habitudes de ces bêtes. Le rythme d’une journée chez ces
Agelena est semble-t’il d’une régularité très particulière et c’est vraiment le soir que les adultes vont s’activer et sortir des retraites collectives (pour l’entretien des toiles en particulier).
L’activité de prédation est elle aussi essentiellement nocturne (il faudra y retourner de nuit si tu veux les voir en action ! Mais gaffe alors à
Bitis gabonica ta Vipère du Gabon

qui fréquente les sous-bois)
En ce qui concerne la sex-ratio et la supposée absence de jeunes. Mâles et femelles ont des tailles équivalentes, ce qui peut-être trompeur mais les mâles sont semble-t’il moins nombreux que les femelles. Par contre l’absence de jeunes me surprend, nous sommes pourtant en pleine période de ponte, Darchen (1973) évoque le fait qu’il y ait un parallélisme entre la ponte et la saturation de l'air en humidité. La période de novembre à janvier correspondant aux mois où le plus grand nombre de cocons sont observés, il devrait donc y avoir des pouponnières au sein de tes colonies. A rechercher.
Bref, un post très intéressant qui oblige à sortir des sentiers battus
Encore une fois, le site de l’American Arachnology Society et ses nombreuses publications fut d’un grand secours pour apporter des réponses à tes questions (et aux miennes

)
A+
Arno
Je ne fais pas de discrimination, je hais tout le monde...