[Arocatus roeselii] Lygaeidae ?

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Fraf
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[Arocatus sp.] Lygaeidae ?

Message par Fraf »

pat_der2003 a écrit : mardi 14 juillet 2020, 18:33 Je ne sais pas si cela peut aider.
:bienvu:

:arrow: Arocatus roeselii (Schilling, 1829)

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pat_der2003
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[Arocatus roeselii] Lygaeidae ?

Message par pat_der2003 »

Tout Grand Merci ! :D
Patrick

Pour le papillon, la propriété, c’est le vol - Albert Wilmemetz

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ouran
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[Arocatus roeselii] Lygaeidae ?

Message par ouran »

Je ne suis pas sure d'avoir bien suivi et compris les avancées récentes sur la "typologie" de ces deux bêtes mais ce résultat m'étonne quand même.
Moi j'aurais bien vu un roeselii (appelez-le comme vous voulez) vivant exclusivement sur les aulnes et pas du tout variable et... cet autre là, assez variable en effet.
J'ai hâte que tout ça se décante !
MM

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Fraf
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[Arocatus roeselii] Lygaeidae ?

Message par Fraf »

Il faut suivre les auteurs asiatiques, et pas européens, qui sont plus rigoureux dans leur démarche, et l'important travail deGao & al. 2013.

Historiquement, nous avions un roeselii, sombre, à rostre court, sur aulne, et un longiceps, clair, à rostre long, sur platane.

Carayon (1989) a trouvé des "roeselii" sur platane dans le sud de la France. Ces spécimens se rapprochaient de roesellii par la morphologie, mais vivaient sur platane. Il a également démontré que le cycle complet pouvait s'effectuer sur le platane.

Hoffmann a ensuite découvert des "longiceps" sur platane, d'abord à Francfort, puis dans d'autres villes, qu'il a déterminé comme "longiceps", sur la base de la longueur du rostre. Puis Barclay en a trouvé à Londres, qu'il a comparé aux "roeselii" nicçois (sensu Carayon). Les deux n'ont trouvé aucune différence.

Hoffmann a mené une analyse génétique, dans laquelle des spécimens de roeselii de différentes provenances ont été comparés aux longiceps de référence, c'est-à-dire... CEUX DE FRANCFORT !!!

Hypothèse intéressante d'Hoffmann : et si Carayon s'était tout simplement trompé dans sa détermination ? Effectivement, Carayon (1989) est notamment cité par Péricart (1998), qui est ensuite cité à son tour comme LA référence incontournable en matière de Lygéides européens. Effectivement, Carayon ne s'étend pas trop sur la détermination, et développe plutôt la biologie, ce qui n'a plus été remis en question par la suite. (J'ai, quelque part, le papier de Carayon (1989), celui de Barclay, et les nombreux articles d'Hoffmann dans Heteropteron, mais c'est un peu long à tout retrouver, et je cite de mémoire... J'essaierai de faire une revue bibliographique plus détaillée un jour...) L'hypothèse est intéressante car, si Carayon s'est trompé et a étudié des longiceps morphologiquement proches de roesellii, alors il n'y a tout simplement jamais eu d'observation de roeselii faite sur platane, et toutes les observations faites sur platane se réfèrent en fait à longiceps... Ce qui permet d'identifier l'insecte par sa plante hôte !
Sa démarche pour le démontrer : une analyse génétique, qui ne trouve aucune différence entre les "longiceps" francfortains (d'Hoffmann) et les "roeselii" du platane (sensu Carayon). Conclusion : les deux sont de la même espèce, donc Carayon s'est trompé, ses "roeselii" sont en fait des longiceps, faisant de longiceps la seule espèce sur platane.

C'est l'opinion à laquelle se rangent tous les auteurs allemands et britanniques (et assez largement d'autres pays du nord), faisant suite à Hoffmann, et à Barclay, qui lui a emboîté le pas.

Les français sont plus sceptiques : suivant Péricart (1998), qui soulignait la confusion entre les deux, on se demande s'ils ne seraient pas conspécifiques. Même Edessa, quelque part ici, nous a exposé sa démarche de comparaison des séquences de roesellii et longiceps (dispo en ligne, sur GenBank par exemple). Il n'a trouvé aucune différence significative, et estime qu'il s'agit de la même espèce. Donc, roeselii (Schilling, 1829) ayant l'antériorité, Arocatus longiceps n'existe plus et est un synonyme de roeselii. J'ai effectivement retrouvé les mêmes résultats de mon côté. MAIS : j'ai cherché la provenance des séquences de GenBank : l'essentiel provient, notamment, des importants travaux de phylogénie moléculaire des Lygaeinae de l'équipe de Bramer & al., 2015 (qui inclut notamment Jürgen Deckert... :wink: ), équipe... allemande, dont les séquences types de longiceps proviennent toutes... de Francfort.

Qu'est-ce qu'on a démontré au final ? Que les populations sombres, à longueur de rostre variable, et ressemblant à des roeselii en provenance des platanes européens appartiennent toutes à la même espèce (les "provençaux" de Carayon, ceux de Francfort, puis de divers coins d'Allemagne d'Hoffmann, les niçois puis londoniens de Barclay et enfin les alsaciens), qu'Hoffmann voudrait baptiser longiceps, là où Carayon voyait plutôt des roeselii.

Reste qu'il y a une autre hypothèse que l'on n'a pas envisagée : et si c'était Hoffmann qui s'était trompé dans sa détermination des "longiceps" de Francfort (qui, comme ceux de Carayon repris ensuite par Péricart, ont ensuite été repris en référence) ? On se retrouverait avec des roeselii allemands du platanes identiques des alsaciens, londoniens, et provençaux. Bizarrement, cette hypothèse n'a pas fait l'objet de tellement d'attention.

La seule référence valable pour la détermination est la référence au type ayant servi à la détermination de l'espèce, ce que ni Carayon, ni Hoffmann, n'ont fait. Je considère donc que les deux (et tous ceux qui les ont repris par la suite) ont potentiellement pu se tromper, et je traite leurs déterminations avec prudence.

Pour résumer, on a quatre populations :

- une population historique et typique de roeselii, sur aulne, à rostre court, en Europe de l'Ouest
- une population typique de longiceps sur platane de Méditerranée orientale, à rostre long
- une population douteuse, à longueur de rostre très variable, sur platane, en France, Allemagne et Grande Bretagne, génétiquement uniforme, et à laquelle il faut probablement ajouter les populations de péninsule ibérique, d'Italie, et du Bénélux (similaires et probablement identiques, mais n'ayant pas à ce jour fait l'objet d'une analyse génétique). Il pourrait s'agir de l'une ou l'autre des deux espèces, ou pourquoi pas même d'une troisième, pour ce qu'on en sait - si tant est que les deux existent, ce qui n'est pas établi.
- et une probable "quatrième" population, de "vrais" longiceps orientaux dispersés ça et là sur les platanes européens, où ils pourraient être mêlés à la troisième population, et donner lieu aux différentes mentions historiques plutôt fiables hors Méditerranée orientale. Je les crois en limite de distribution.

Une remarque à prendre en compte : si l'on compare la taille des strobiles d'aulne, aux glomérules de platanes, nettement plus gros, une hypothétique population de roeselii (qu'elle soit nouvellement apparue, ou ancienne et nouvellement découverte, cela ne change rien) inféodée aux platanes plutôt qu'aux aulnes aurait tout intérêt à avoir un rostre plus long pour pouvoir se nourrir sur cette nouvelle plante, et l'on pourrait s'attendre que la sélection naturelle aille dans ce sens. Si l'on considère roeselii et longiceps comme deux espèces valables, la première vivant sur aulne et platane, et la deuxième exclusivement sur platane, il n'y aurait absolument rien d'étonnant à voir une convergence évolutive entre les longiceps et les roeselii du platane en ce qui concerne la longueur du rostre.
La chose ne serait pas nouvelle chez les hétéroptères, et des phénomènes évolutifs impliquant la longueur du rostre ont déjà été mis e évidence, notamment chez Jadera haematolomea, avec le passage à des fruits de tailles différentes.

Donc dans la mesure où l'on examine l'hypothèse (je n'ai pas dit qu'on la retenait...) d'une population de roeselii inféodée aux platanes, et où l'une des conséquences possibles de cette hypothèse serait l'existence de roeselii au rostre plus long, que penser de ce critère de détermination pour séparer les deux espèces ?

Il se trouve que j'ai, au labo, un échantillon auquel l'année écoulée ne m'a pas encore permis de consacrer l'attention suffisante, de cinq spécimens mâles tous prélevés sur le même platane, et présentant un spectre complet de longueur du rostre, atteignant à peine les mesocoxae chez le premier et dépassant franchement les metacoxae chez le dernier... Associé à un gradient de coloration (le premier nettement plus rougeâtre, le dernier beaucoup plus pâle, notamment au niveau des appendices...). La clef de Péricart (1998) place le premier chez roeselii et le dernier chez longiceps, sans trop de souci, sur ce critère. Les proportions de la tête sont identiques, et placent l'ensemble de la séquence en roeselii... Je n'ai pas encore eu le temps de les disséquer.

Alors, reste les travaux asiatiques, notamment l'importante revue du genre par Gao & al. citée plus haut. Ils ont tout simplement réexaminé les types de toutes les espèces du genre, et montrent une certaine incompréhension dans la confusion qui règne chez les auteurs européens... Forcément, puisqu'ils n'ont pas comparé les mêmes spécimens ! Gao a examiné, en plus du type, plusieurs longiceps de Méditerranée orientale, et a trouvé certaines différences dans le pygophore, plus des différences plus marquées dans les paramères, entre roeselii et longiceps. J'aimerais bien voir la tête des paramères des Arocatus francfortais d'Hoffmann, juste pour voir...

Mon sentiment est que l'on est bien en présence d'une population de roeselii sur platane, qu'elle soit nouvelle (réchauffement climatique, déboisement, disparition des aulnaies et des ripisylves...) ou non, avec probablement des séries de transitions et des formes de passages entre les deux (période de maturation différentes des deux fruits, abris différents pour l'hivernation, les jeunes aulnes n'offrant pas le couvert des rhytidomes de platane...) Si cette population existe, on peut en effet s'attendre à ce qu'elle ressemble davantage à longiceps (par un phénomène de convergence, tout simplement) que la forme nominale. Une proximité et un certain brassage génétique restent possible, mais moins probable, au vu des différences des genitalia évoquées par Gao.
Ai-je mentionné que mes Arocatus des platanes niçois (probablement les mêmes que ceux de Barclay) longent un fleuve où subsistent... des aulnes, arbre autrefois très abondant, et emblématique de la région niçoise (les verna, ou vernea nissarts...) ?

Battage prévus aux périodes de maturation des strobiles, affaire à suivre...
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pierred
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[Arocatus roeselii] Lygaeidae ?

Message par pierred »

Eh bien, merci pour le boulot...
Pierre D.
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[Arocatus roeselii] Lygaeidae ?

Message par eric_steckx »

Merci pour cette mise au point touffue mais parfaitement structurée.
Si je comprends bien, aucune analyse génétique n'a comparé des spécimens des populations ouest- et centre-européennes aux A. longiceps orientaux ?
Éric

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Message par jeanphi_maurel »

Quel est la couleur du connexivum de ta bête : rouge ou bicolore ?
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eric_steckx
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Message par eric_steckx »

Fraf a écrit : jeudi 23 juillet 2020, 14:13 La seule référence valable pour la détermination est la référence au type ayant servi à la détermination de l'espèce
Comme ton post m'a stimulé à relire sur le sujet, je constate malheureusement que, si le type de A. longiceps est bien accessible à Stockholm, les type et syntype de A. roeselii sont perdus et il ne semble même pas qu'un néotype aît été désigné. Ça complique évidemment singulièrement les choses. Et je ne retrouve pas, en libre accès du moins, la description originale de Schilling (j'ai la réf. mais pas le texte).
Éric

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ouran
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Message par ouran »

:0024: merci beaucoup pour ce point d'étape très clair !
MM

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Message par cerocomactif »

Un débat particulièrement passionnant. Bravo à tous les intervenants avec une mention spéciale à Fraf pour ses développements.

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