Dkeith a écrit :je serais très preneur d'une explication détaillée sur le mastic de Chios.....
Voilà,
Je n’ai rien inventé. C’est dans le précis de microscopie de Maurice Langeron (1925) qu’il est fait allusion à ce milieu de montage sans explication précise pour sa réalisation. Auparavant je faisais mes montages dans le baume du Canada avec tout ce que ça implique du point de vue de la santé (vapeur de xylène, acide phénique) et des contraintes liées à une déshydratation poussée.
Il me fallait donc une résine acceptant les objets sortant directement de l’alcool à 95°, acceptant donc les traces d’eau.
Le mastic est une résine comestible issue du lentisque (
Pistacia lentiscus) cultivé sur l’île grecque de Chios. Elle est utilisée en confiserie, en cosmétique, dans le traitement des ulcères gastriques liés à
Helicobacter pylori (qu’elle élimine) et dans la réalisation de vernis fins pour les peintres. Elle se présente sous forme de « larmes » solides, transparentes ou translucides.
Après dissolution dans l’alcool à 95° et une décantation de plusieurs jours, il reste un dépôt blanc non soluble au fond du bocal. Il suffit alors de siphonner précautionneusement la partie limpide avec un tube capillaire, puis de laisser le liquide clair se concentrer par évaporation
* à l’abri de la poussière jusqu’à consistance sirupeuse. Ce milieu de montage ne conserve pas les colorations, mais on s’en fout pour les génitalia.
Il y a quand même un inconvénient non évoqué par Langeron ; à peine la goutte de résine déposée sur la paillette, il se forme un film à sa surface, une sorte de nanomembrane (oui, la peau

) qui gêne le positionnement des pièces. Sa « file » souvent quand on retire la minutie et il faut mouiller la surface de la goutte avec une microgouttelette d’alcool pour limiter le déplacement de l’objet qu’on y a déposé. C’est parfois une prise de tête et il m’est difficile d’expliquer clairement par écrit comment je procède. C’est un peu empirique mais ça fonctionne.
Ce problème de surface qui sèche instantanément je l’ai résolu partiellement en utilisant de l’isopropanol à 99% comme solvant à la place de l’alcool. Ça tombe bien parce que depuis la retraite je n’ai plus accès à l’alcool à 96. L’achat d’alcool pur étant impossible pour un particulier.
Par rapport à l’alcool, la dissolution dans l’isopropanol est quasi complète.
Le liquide obtenu après décantation variait au fil des jours du trouble au limpide en fonction de la température ambiante et j’ai bien failli tous jeter, mais une fois bien sirupeux, le médium reste parfaitement limpide. Il y a toujours formation de cette fine membrane, mais elle se forme moins vite et elle est plus pénétrable.
Sur un certain site dédié à la microscopie, ce milieu est considéré comme « dépassé » et susceptible de s’opacifier dans une atmosphère humide. Je n’ai jamais eu ce problème, mais j’ai fait un test avec un montage placé dans un bocal fermé saturé en humidité. Effectivement après un certain temps on n’y voit plus rien, la résine devient opalescente, mais tout rentre dans l’ordre en quelques heures une fois le montage remis en atmosphère « normale ».
Nous ne sommes pas sous les tropiques. On ne critique pas sans avoir expérimenté.
Le prix varie suivant la taille des larmes et la couleur. Une pharmacie m’a proposé 1 kg de larmes dites de mauvaise qualité pour 60 euros, parce que sale, jaune et à larmes non calibrées. J’ai sauté sur l’occasion. Faites le calcul, quand on pense au prix du petit flacon d’euparal. Et en plus on doit le faire réduire de moitié parce que trop fluide. Imaginez le volume insignifiant de la partie solide obtenu après évaporation totale du solvant.
Avec 1 kilo de mastic, à moins de gaspiller, vous en avez pour la vie.
J’ai des préparations d’une trentaine d’années et la résine n'a subi aucune altération de couleur et de limpidité.
*Ne pas mettre en plein soleil pour accélérer le processus d’évaporation sinon ce médium prend une couleur ambrée comme l’euparal. Une concentration à l’abri de la lumière, donne un médium jaune très pâle.