[Lachnaia paradoxa] Clytrinae pas au point

Je n'ai rien contre les mâles

J'ai trouvé avec surprise l'espèce (forme à points) dans les Bouches du Rhône l'année dernière, sur des tamaris, sur l'aire d'autoroute de Lançon de Provence.

Intéressant ! J'avais l'impression d'être le seul à croiser cette espèce en PACA.
Il y en avait beaucoup ou pas ?
En tout cas, l'aire de Lançon devient la station connue la plus au nord pour la France

Il y en avait au moins deux

Bon, puisque tous les intervenants ont trouvé et que personne n'ose lâcher le nom, il s'agit évidemment de Lachnaia paradoxa (Olivier, 1808), sous sa forme typique (imponctuée) et sous sa forme vicina (Lacordaire, 1848).

Pour la petite histoire :

- En mai 2014, je tombe sur quelques Clytrini sur un lentisque à Fréjus (83). Imponctués, il m'évoque, au premier coup d'oeil, des Labidostomis, mais en m'approchant, force est de constater qu'il s'agissait de Lachnaia. Ne connaissant pas du tout d'espèce sans points, j'en prends 4, sans vraiment m'attarder (de mémoire, il devait en avoir 6 ou 7).

- En novembre 2014, j'exhume les spécimens de leur tube, sort le Debreuil et identifie l'espèce en quelques secondes. Surprise, l'espèce n'est connue uniquement des PO, de Cerbère. Après différents mails, je récupère l'article de Doguet et Moncoutier, puis je me décide à envoyer une photo à Debreuil pour confirmation. Aucun doute a priori, c'est bien paradoxa et il m'incite à publier la donnée. Toutefois, la configuration du canal éjaculateur en ressort de montre de l'édéage le font un peu douter. Cette particularité est illustrée nulle part https://www.cassidae.uni.wroc.pl/Europe ... /index.htm[/url], Petitpierre...), et ses spécimens ne le présentent pas non plus. Note : tous ses spécimens illustrés sont de la forme vicina.

- Décembre 2014-janvier 2015, début de la rédaction de la note. Je relève ici que Zédric a capturé l'espèce en France et le contacte. Il me fournit aimablement ses données. Je profite pour lui demander à quoi ressemblent ses édéages et il me précise qu'il n'ont pas de canal éjaculateur en ressort de montre et que ces spécimens sont ponctuées.. Pascalou ayant la forme sans point de Sicile, je lui demande s'il peut disséquer son mâle. Canal éjaculateur en ressort de montre. On a donc des édéages de la forme nominale avec un canal éjaculateur en ressort de montre, et des édéages de la forme vicina sans ressort de montre. Du fait, Debreuil, que je rencontre à Perpignan, hésite, est-ce que mes spécimens sont une nouvelle espèce (ce qui serait surprenant car hormis ce détail, tout concorde pour paradoxa) ou est-ce une particularité entre les 2 formes. Bref, la conclusion de la publi n'étant pas satisfaisante, elle patauge un peu et la saison approchant est un peu mise de côté.

- Mai 2015 : je me retrouve à faire un inventaire dans le GPMM, genre, à 2 km à vol d'oiseau de chez moi. Et là, surprise, un beau mâle de paradoxa, avec ses tarses courbés. Cerise sur le gâteau, forme ponctuée. Je vais enfin pouvoir comparer ! En cherchant un peu, je trouve 2-3 autres spécimens (mâles et femelles) dans les environs. Puis je change de site, toujours sur Marseille pour un autre projet (genre à 4 km de chez moi à vol d'oiseau). Je retrouve un mâle et en levant la tête en voit une dizaine en train de boulotter un petit Rumex. A une dizaine de mètres, il y a beaucoup de gros Rumex et là, c'est le choc. Je me retrouve face à des centaines d'individus. Ça grouille, copule, bouffe allègrement ces Rumex. Bref, j'ai largement de matériel maintenant pour voir les édéages. Du fait, je prends une vingtaine de spécimens et dissèque le soir même 8 mâles : sans équivoque, canal éjaculateur en ressort de montre ! Ouf !

- Juin 2015 : je retombe sur l'espèce à Rognac, au nord ouest de Marseille. En quantité, mais pas grouillant, et sur Rumex. Le lendemain, rebelote à Miramas, toujours sur Rumex !

- Novembre 2015 : finalisation de l'article, parution en février 2016.

- Mai 2016 : le hasard du taff me ramène à Fréjus. Surprise, un Rumex et une femelle imponctuée vient s'y poser (c'est celle de ma première photo). Au final, en poursuivant, je retrouve en quantité (mais pas autant qu'à Marseille) la forme imponctuée boulottant des Rumex ! La boucle est bouclée !!!

Merci de m'avoir lu jusqu'ici !

Pour des infos complémentaire :
Fadda S., 2016. Premières captures de Lachnaia paradoxa (G.A. Olivier, 1808) en région Provence-Alpes-Côte d’Azur [Coleoptera Chrysomelidae]. L’Entomologiste, 72 (1) : 52-28.

J'adore ce genre d'histoire ! C'est une des choses passionnantes de cette activité "de fourmi". Toutes mes félicitations

Message par **Mikkoleop** » mardi 28 février 2017, 19:01

Pareil! Quel super reportage!

Message par **D.Terminator** » mercredi 1 mars 2017, 9:38

Super en effet ! Je crois que je vais aller faire un tour dans le sud....

Message par **Quand:tôt?** » mercredi 1 mars 2017, 10:47

J'ai en collection 2 mâles de paradoxa ponctués provenant de Toulon. Il n'y a pas d'autres précisions car il s'agit d'exemplaires anciens (1900) récupérés dans la collection R. Fongond. J'avais indiqué ce fait à M. Debreuil avant la sortie du bouquin mais d'un commun accord il ne l'a pas mentionné du Var car nous avions considéré cette localisation comme douteuse. Il semble qu'il n'en soit rien. Il s'agit probablement d'une espèce sporadique. Les rassemblements sont fréquents et j'ai observé cette espèce en très grand nombre en Sicile sur les Pistacia. Nous avons vu le même type de comportement avec Macrolenes dentipes lors de la dernière sortie Forum.Les phéromones d'agregation liées aux accouplements en sont sûrement la cause. A ce propos je n'ai pas observé le tortillon du canal éjaculateur celui ci ayant été brisé.

Très intéressant, Pierre.

Debreuil n'a sûrement pas dû s'en souvenir, car il ne me l'avait pas évoqué. Dommage, ça aurait été l'occasion d'insérer l'info dans ma publi.

Pour l'agrégation, j'ai quand même bien halluciné car j'étais passé en moins de 2h d'une 2^ème station pour PACA à une espèce qui pullule.

Première fois que je voyais un truc de la sorte avec un Lachnaia, que j'observe le plus souvent en quelques individus isolés. C'est surtout chez Labidostomis taxicornis que j'ai l'habitude de voir ce phénomène (sur les inflorescences de chênes !). Chez Macrolenes, c'est vrai qu'il y en a souvent beaucoup, mais jamais par centaine non plus.

Apparemment, la casse ou la coupe du canal éjaculateur est l'explication de l'absence de représentation dans la documentation. Le regretté Doguet, qui avait eu la gentillesse de relire mon article avant soumission, semblait satisfait que cette particularité figure enfin dans un document, car c'est une chose qu'il avait lui bien observé sur ses spécimens étrangers.

D'ailleurs, voici l'organe en question sur la superbe photo de Pascalou :

P.Deschamps : Italie : Terrasini : 90049 : 24/05/1987

Altitude : NR - Taille : 12.5 mm

Réf. : 134998

Le Monde des insectes