Alors si tu as un lien, ou une source, pour le séquençage, je suis preneur. D'ailleurs,
mea culpa, il ne s'agit pas nécessairement d'un séquençage, mais bien d'une analyse ADN : il y a bien des façons d'analyser l'ADN, de façon comparative, sans pour autant le séquencer (ce qui fonctionnerait, mais serait particulièrement fastidieux, au vu de l'objectif : un peu comme de préparer ses prochaines vacances en Corse en faisant construire un pont partant du continent : on doit pouvoir trouver des moyens plus simples d'arriver aux mêmes fins).
En ce qui concerne les
Arocatus "platanicoles" français, la seule façon de trancher serait d'analyser un échantillon important constitué de nombreux spécimens issus de plusieurs localités : que ce soit une analyse génétique, ou morphologique, par exemple, cela permettra de déterminer si les spécimens français se répartissent en UNE ou DEUX catégories, en clair, s'il existe un continuum entre eux tous, ou bien s'il y a un gap : auquel cas, on saura si on a affaire à une ou deux espèces, que l'on pourra déterminer ultérieurement (
a priori,
A. longiceps ou
A.longiceps ET
A. roeselli).
Je n'ai plus mes docs sous les yeux, donc je cite de mémoire ce que j'en ai compris / retenu (au passage, c'est une excellente méthode, ne pas toujours se référer à ce que l'on lit, mais à ce que l'on pense en avoir compris : cela permet d'en éprouver, justement, la compréhension, de mettre en lumière les confusions qui persistent, et de corriger et s'améliorer ; une méthode que j'exhorte les élèves à appliquer plus régulièrement (avec des résultats plus que relatifs, je dois bien l'admettre, mais bon,
cent fois, sur le métier, ...) : il faut simplement veiller à avertir l'auditoire de ne pas forcément prendre ce qui suit pour argent comptant.
Pour l'essentiel de ce que j'en ai compris/retenu :
*
A. longiceps est décrit de Méditerranée orientale ; il se caractérise par sa tête allongée. Le Platane est connu pour être sa plante-hôte.
*
A. roeselii est plutôt connu, historiquement, sur les Aulnes. il a la tête plus trapue.
Le
longiceps type a également les
appendices clairs, le type de
roeselii, les
appendices sombres. Cependant, rien n'indique que
tous les
longiceps doivent être ainsi, et inversement, et donc que ce critère soit déterminant.
Donc quand, en Europe, on trouve des pullulations d'individus sous les écorces de Platane, on est tenté de les considérer comme
longiceps... Sauf que voilà, tous les individus qui pullulent l'hiver sous les écorces des platanes de nos grandes villes européennes ne semblent pas présenter une population uniforme. Alors quoi ? grande variabilité intraspécifique ? ou présence de plusieurs espèces ? Et dans ce cas, laquelle/lesquelles ? le
longiceps historique, le
roeselii, voire une nouvelle espèce ? Si tant est qu'il s'agisse bien de deux espèces différentes ?
Il en résulte une très grande confusion, certains retenant un nom plutôt qu'un autre. Par exemple, pour les organismes anglais,
A. roeselii est officiellement la seule espèce connue de Grande Bretagne : par conséquent, tous les individus sont systématiquement étiquetés en
A. roeselii, sans se poser plus de question.
On avait, historiquement, un cas similaire avec la confusion
Graphosoma lineatum /
Graphosoma italicum : tu devrais (si ce n'est pas déjà fait), lire l'
excellent article d'Edessa sur le sujet. En gros, deux types ont été définis, puis des "intermédiaires" (?) ont été supposément observés. S'en est suivie une confusion des deux, dans l'attente de savoir si les deux constituaient des espèces valides, ou bien simplement des "types" ou "formes" d'une même population globale plus homogène qu'on pourrait alors appeler une espèce. Le travail d'Edessa a fini par trancher (les deux espèces sont valides et bien distinctes) mais, en attendant, les deux noms (surtout celui de
lineatum, malheureusement, il faut bien le reconnaître...) ont été utilisés un peu n'importe comment, et s'en est suivie une grande confusion.
Ici, à mon avis, c'est un peu le cas. Les suggestions de
roeselii et
longiceps pour nos populations platanicoles européennes se réfèrent en fait très rarement à des spécimens de
roeselii typiques, que l'on n'observe de toutes façons que de plus en plus rarement (sur Aulne, par exemple, où le
longiceps typique n'est historiquement pas connu...). Et je ne suis pas convaincu que les références à
roeselii pour ces spécimens soient vraiment pertinentes, même s'ils y ressemblent beaucoup, pour certains (comme les miens, par exemple...) : c'est peut-être bien vrai, mais, àmha, cela mériterait d'être établi...
Il faudrait déterminer, par l'examen ou l'analyse des types et la comparaison avec un vaste échantillon, s'il s'agit bien d'une ou deux espèces, et à laquelle on a affaire. La définition d'espèce, très humaine, et donc artificielle, est délicate, mais repose globalement sur la capacité d'un groupe à se maintenir dans le temps, c'est à dire à constituer une population compatible à la reproduction, et donc non isolée génétiquement ; chez les insectes, Arthropodes dotés d'un exosquelette externe rigide et articulé (la
cuticule), ce qu'il y a de bien (c'est-à-dire, de pratique, pour nous), c'est que la reproduction fait appel à des pièces rigides (les
genitalia, qui s'"emboîtent" de façon complémentaire, un peu à la manière d'un système "clef-serrure") : deux animaux présentant des
genitalia notablement différents, même s'ils présenter par ailleurs des différences morphologiques notables, ont toutes les chances de pouvoir s'accoupler avec la même femelle, et donc de constituer une population compatible à la reproduction, c'est-à-dire une espèce. Inversement, si les individus se ressemblent beaucoup, mais que leurs
genitalia sont très différents, ce sont vraisemblablement des espèces différentes (cas des espèces dites
cryptiques, comme par exemple
Lygaeus equestris /
simulans).
De la même façon, certaines régions du génomes ont tendance à être très proches chez les individus appartenant à un même ensemble reproductif, et différents chez les populations isolées : c'est le cas du COI, par exemple.
Un examen comparatif des
genitalia des types, ou d'"individus typiques", dont l'identification est assez sûre, et/ou des analyses génétiques, comparés à un vaste échantillon de spécimens peuvent, seuls, permettre de trancher cette question (si tant est qu'il soit nécessaire ou utile de la trancher, ce qui est loin d'être évident, au vu des moyens qu'il est nécessaire d'engager, mais ça, c'est une autre question...). Et, pour le moment, je n'ai pas connaissance d'une telle étude.
Alors, comment on peut aider ? Je te rassure, ni toi, ni moi, n'avons
a priori la capacité technique et matérielle de le faire. Par contre, qui voudra et pourra la conduire aura besoin de matériel : c'est dans cette perspective que je prévois d'échantillonner les
Arocatus autour de moi, ce qui pourra être utile à quelqu'un... J'ai entrepris de prélever quelques
Arocatus, conservés dans de petits tubes, sous éthanol 70% (j'en ai également préparé certains à l'acétate d'éthyles que j'ai étalés pour mes collections, mais, ici, l'acétate d'éthyle ne me paraît pas intéressant, l'étalement n'apportant pas grand chose à la comparaison, et les spécimens séchés étant plus fragiles à expédier... Un seul petit tube scellé contenant les échantillons prendra beaucoup moins de place, sera plus solide, et largement suffisant pour l'étude envisagée) ; parallèlement, je prévois d'en placer certains sous éthanol 90%, dans l'éventualité d'une analyse ADN...
La constitution d'un échantillon assez vaste pour être représentatif, et que les résultats soient significatifs, va probablement impliquer la collaboration d'un certain nombre d'observateurs / récoltants, et c'est là que nous pouvons vraisemblablement être de quelque utilité : en fournissant de la donnée.
Une autre rectification, à ta question portant sur l'écologie : je t'ai confirmé qu'
Arocatus vivait à la belle saison sur les feuilles : j'entendais plutôt par là la "partie aérienne", au sens large, le houppier, qui est leur lieu de résidence. Ce ne sont pas vraiment les feuilles qui les intéressent : ils se nourrissent principalement des graines.
Enfin, une dernière précision : le Platane commun, hôte historique d'
Arocatus longiceps, est un hybride, d'introduction récente : il apparaît en Europe vers le XVIIIème siècle... Et peu d'espèces sont aussi jeunes (à part peut-être la Souris de Madère et le Moustique du métro londonien...) : pour être clair, il est très probable qu'
A. longiceps existait déjà avant l'arrivée du Platane, alors il devait probablement se nourrir alors d'une autre plante, et le Platane ne serait que son hôte secondaire... Si
A.roeselii a pu se déplacer de l'Aulne au Platane, alors il est vraisemblable qu'
A. longiceps a pu également arriver sur le Platane depuis... ??? Et si finalement l'Aulne n'était pas l'hôte exclusif de
roeselii ? Cela compliquerait singulièrement l'obtention de spécimens "typiques" dont l'identification ne poserait pas de problème, non ?
Bon, voilà pour l'essentiel de mon opinion ; je ne crois pas savoir qu'Edessa bosse particulièrement sur les
Arocatus, mais, au moins, les travaux d'identification d'espèces, ça le connaît, et peut-être pourra-t-il confirmer / rectifier ce que je viens de dire (et, j'espère, pas entièrement me démentir, mais bon...

) ; et vu qu'Aleurolobus est moins présent en ce moment, son avis sera je pense intéressant...