[Podalonia hirsuta] Précocité hirsute

[Caillou]

Bonjour,



Voilà un des hyménoptères que j’ai observés durant ma première sortie en Valais cette année, le 1er avril dernier. J’ai été gâté !



J’ai eu la chance de tomber sur une femelle avec sa proie, une belle grosse chenille (probablement de noctuidae), et ça a bien aidé pour la suite. Je me suis rappelé que les ammophiles avaient ce genre de proies, mais le profil paraissait bien peu élancé, en particulier la zone du pétiole et du début du gastre… J’ai quand même regardé dans cette direction et j’ai fini par trouver mention des Podalonia, membres de la tribu des Ammophilini, et dont l’habitus correspondait déjà beaucoup mieux.



Après j’ai farfouillé dans le forum et voilà le résultat, en repartant de zéro ou presque (sous réserve d’erreurs évidemment, merci de me corriger dans ce cas !):



Pour la tribu :

Avec cet habitus ça pourrait être un membre des Sphecini, mais deux éléments qui seraient chacun suffisant conduisent à Ammophilini :

1) La proie : Sphecini → Orthoptères, Ammophilini → chenilles ou fausses-chenilles

2) La nervation alaire : (…)la deuxième cellule cubitale reçoit les deux nervures récurrentes, son bord antérieur est plus court que son bord postérieur. (forme de trapèze (…)).

En bas à droite de l’image composée on voit cette deuxième cellule cubitale et les deux récurrentes.



Pour le genre :

(…) avec un pétiole formé du seul sternite 1, sans post-pétiole: c'est suffisant pour caractériser le genre Podalonia (…).

On voit bien le pétiole dans la photo principale.



Pour l’espèce :

Un critère principal suffisant, et deux autres secondaires qui viennent confirmer :

1) P. hirsuta mérite bien son nom. Sa pilosité forte, dense et noire (…) est pratiquement suffisante pour reconnaître les femelles.

En comparant les pilosités respectives des différentes espèces du genre ici, ce caractère ressort en effet très nettement (comme ce site présente les spécimens avec des angles et un éclairage normalisés les différences sont bien mises en évidence).

2) (…) l'angle pratiquement droit entre le pétiole et l'avant du premier tergite correspond mieux à hirsuta qu'aux autres Podalonia.

Se voit très bien sur la photo principale.

3) D’après les photos en galerie P. hirsuta serait la plus précoce des espèces du genre et la première photo est datée du 19 avril (mais est-ce que c’est représentatif ?)



Voilà pour cet essai de détermination, merci à Patrick car tous les extraits proviennent de ses messages!



Au bord d'un chemin bordé de vignes sur terrain sablonneux.



Pierre Bornand : Suisse : Martigny : 1920 : 1/4/2013

Altitude : 477 m - Taille : 18 mm env. (hyménoptère)

Réf. : 98948





Pierre Bornand : Suisse : Martigny : 1920 : 1/4/2013

Altitude : 477 m - Taille : 18 mm env. (hyménoptère)

Réf. : 98949



J’aurai encore le déroulement de l’observation à raconter en liaison avec ces photos, car elle n’est pas dénuée d’intérêt à mon avis, mais ça sera pour ce week-end…



Merci de vos commentaires !

[Sord]

Bonsoir Caillou.
Sans préjuger du résultat, superbe sujet.
Observation, argumentation, photos

[Patrick_B]

Bonne recherches, bon raisonnement= Bon résultat.
Coup de chance, tu as la proie, car sans proie et sans nervation alaire, on peut parfois hésiter entre un Sphex (mâle) et une Podalonia.

Ton coin est vraiment extraordinaire ! avec le temps pourri qu'il fait cette année tu a une sortie qui, pour une année normale serait déjà parmi les toutes premières, si on y ajoute l'activité de Prionyx à l'automne dernier, je crois qu'au lieu de descendre dans le midi je me dirigerai vers l'est ! certes pour l'instant ce sont des bestioles commune, mais avec un tel micro-climat on peut s'attendre à des espèces plus exigeantes (donc moins communes).

[Caillou]

Un très grand merci à vous deux pour vos appréciations, et à Patrick pour la confirmation !

je crois qu'au lieu de descendre dans le midi je me dirigerai vers l'est !

Mais je suis heureux d’apporter un peu du soleil du Valais dans votre grisaille du midi (là je vais me faire lyncher!)

Trêve de plaisanterie voici comme promis le compte-rendu de l’observation :

J’ai repéré un hyménoptère se posant sur le côté du chemin, juste devant les premiers pieds de vigne. Il s’est glissé sous une plante basse… et n’a plus bougé. Je me suis approché et il était immobile, restant ainsi pendant 10-30 secondes (je ne me rappelle pas précisément). Après il est ressorti, a fait un petit tour puis est revenu à la même place, s’immobilisant à nouveau un certain temps.
En tentant des clichés j’ai vu qu’il se tenait au-dessus d’une chenille, apparemment sans le moindre mouvement. La photo de gauche dans l’image composite montre cette posture : il chevauche la chenille, sa tête placée contre (?) celle de la proie, ses antennes repliées vers le sol.
On peut voir un comportement similaire décrit chez une ammophile dans cette belle vidéo à la minute 8:39, où le prédateur malaxe la zone post-céphalique de sa proie un long moment. Pour ma part je n’ai pas réussi à observer ces mouvements de malaxation.
L’alternance entre cette posture et des «pauses» durant lesquelles il s’éloignait un bref moment s’est répétée plusieurs fois avant qu’enfin il commence à déplacer sa proie, et il a repris cette posture une ou deux fois durant le déplacement.

Alors qu’il cheminait avec assez de peine entre le poids de son fardeau et la végétation environnante, il a soudainement piqué la chenille sur sa face ventrale, apparemment entre les (vraies) pattes postérieures comme on le voit sur le cliché de droite de l’image composée. Ça a été si rapide que sur le moment je ne l’ai pas réalisé et que ce n’est qu’en examinant les clichés que je l’ai vu ! Je suppose qu’il a perçu un mouvement de la chenille et qu’il a voulu compléter la paralysie…

Enfin il a amené la chenille dans le creux d’une sorte de réglette métallique utilisée pour les vignes et là n’a pas semblé capable d’aller plus loin ; il a laissé la chenille, est revenu en tentant de la déplacer, puis l’a encore laissée et s’est éloigné; après quelques minutes d’attente il ne semblait pas vouloir revenir sur le moment alors j’ai cessé cette observation; après tout j’étais attendu par un méloé...

Remarques complémentaires:
- A aucun moment je n’ai perçu de mouvements de la chenille.
- A mon avis, au moment où cette observation a débuté la proie était déjà paralysée, car j’ai lu que dans certains cas au moins la capture précède le creusement du terrier et qu’alors la proie est temporairement mise à l’abri sous des plantes basses jusqu’à la fin du terrassement. Je présume que j’ai aperçu le prédateur au moment où il venait rechercher sa proie.

Pour terminer je mentionnerai une observation de creusement de terrier et une autre de fermeture, et enfin que sur une trentaine de mètres j’ai compté au moins une dizaine d’individus au comportement et à l’habitus similaires, sans pouvoir bien sûr confirmer qu’ils étaient tous de cette espèce.

C’était un 1er avril en Valais, et un rêve d’enfance de pouvoir jouer au «petit Fabre» qui s'est réalisé…

[Phil]

La vidéo donnée en lien est intéressante.
On y voit notamment à 12:17 un cas de cleptoparasitisme (mais sans explication): un Ammophile dérobant une chenille dans un nid existant.
Voir Ammophile cleptoparasite pour plus de détails.

j’ai lu que dans certains cas au moins la capture précède le creusement du terrier

Est ce que tu aurais une référence à me donner ?

[Caillou]

Je n'ai pas retrouvé ma source d'origine pour ce comportement mais j'ai trouvé mieux: un certain Fabre, avec ces citations:
Disponible ici:

L’Ammophile ne s’occupe généralement du terrier, ou du moins ne le perfectionne qu’après avoir capturé sa chenille.

et une autre là:

Beaucoup d’hyménoptères déprédateurs, qui momentanément abandonnent leur capture pour aller perfectionner le terrier ou même le commencer, déposent leur gibier en haut lieu, sur une touffe de verdure, pour le mettre à l’abri des rapines.

[Phil]

Merci pour les Ref.
En fait cela semble assez variable suivant les espèces.
Pour ma part, j'ai toujours vu des bestioles (Ammophila, Prionyx, Liris) creuser un terrier puis le fermer avant de partir,j'imagine, chasser; ou arriver avec une proie sur un terrier déjà creusé.

[Caillou]

Bonjour,

Un petit suivi sur la précocité: je me suis rendu hier (20 mars 2014) au même endroit, et sans trop de surprise entre l'observation précédente et les conditions très printanières de ces derniers temps j'ai pu observer une bonne demi-douzaine de probables P. hirsuta.
Je vous en propose deux extraits vidéo de deux femelles: une apparemment en pleine recherche de proies (donc présumée femelle), et une autre qui charriait la sienne vers son terrier mais qui l'a lâchée avant d'y parvenir.

J'ai pris la scène d'exploration sur une petite zone un peu dénudée au bas d'un vignoble où trois guêpes semblaient chasser, chacune de son côté. D'ailleurs à un moment donné l'une d'entre elles s'est approchée de la zone de chasse d'une autre et cette dernière lui est littéralement tombé sur le râble, avec une lutte au sol bourdonnante qui a duré plusieurs secondes au bout de laquelle elles se sont séparées apparemment sans dommages; l'offensée produisait encore des "bzzzz" qu'on pourrait assimiler à des bougonnements indignés ! (anthropomorphisme quand tu nous tiens...).

Je n'ai pas fait de bonnes photos de tout ça car j'ai espéré jusqu'au bout surprendre une scène de capture en vidéo, mais non... aucune de ces bêtes, malgré des fouilles acharnées et parfois un peu chaotiques, n'a pu dénicher la chenille qu'elles avaient pourtant peut-être sentie; en tout cas je le penserais vu la persistance avec laquelle certaines fouillaient dans un même coin.

[Sord]

Bonsoir.
Belles vidéos instructives !